Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 3.djvu/143

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On sçut la vérité : le titre n’était plus ;
Et le Juge, accablé de regrets superflus,
Fut réduit à verser des pleurs trop légitimes ;
Ensuite l’on apprit que l’une des victimes,
Cherchant à réparer les rigueurs de leur sort,
Sous un ciel étranger avoit trouvé la mort ;
Que sa veuve, sans biens, pour élever leur fille,
Unique rejeton d’une illustre famille,
L’avoit abandonnée aussi-bien que son nom.

Sainville.

Eh ! bien, s’il est ainsi, que me demande-t-on ?

Le Président.

Ce que doit faire un Juge en ce malheur extrême.

Sainville.

Tout homme qui consulte est peu sûr de lui-même ;
Et que dire à celui qui ne se juge pas ?

Le Président.

Mais, vous, qu’auriez-vous fait en un semblable cas ?
Ce Juge le demande.

Sainville.

Ce Juge le demande.Il veut que je prononce :
Qu’il tremble ? Mais à quoi servira ma réponse ?
Quoi qu’il en soit, enfin, j’aurois déjà rendu
À ces infortunés tout ce qu’ils ont perdu.
C’est à quoi je condamne un Juge qui s’abuse.
Qu’il répare ses torts, s’il veut qu’on les excuse ;
L’ignorance & l’erreur sont des crimes pour lui.

Le Président.

On prononce aisément dans la cause d’autrui :
Celui dont je vous parle est peu riche.