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D’étouffer un amour qu’il condamnoit lui-même ;
De l’erreur de ses sens loin d’être détrompé,
Il y sacrifioit ; & n’étoit occupé
Que du soin d’enlever cette fille qu’il aime.
Ne sçachant que penser d’un retard indiscret,
Pour l’excuser encor je faisois mon possible ;
Enfin, l’on est venu m’en instruire en secret.
Non, un coup de poignard m’eût été moins sensible.
Alors, pleurant de rage, il a fallu sortir.
Juge de mon état, de la douleur amere,
De la confusion que j’ai dû ressentir.
Je suis désespérée… Ô déplorable mere !
C’en est fait, je n’ai plus de fils.

Rosette.

On pourra le sauver.

Mad. Argant.

On pourra le sauver.Ah ! la raison m’éclaire,
Je pénétre plus loin que jamais je ne fis.
Supposé que l’on puisse apaiser cette affaire,
Et dérober sa tête aux rigueurs de la loi,
En est-il moins perdu pour moi,
Si-tôt qu’il ne peut plus mériter ma tendresse ?
Sous les dehors trompeurs d’un caractere heureux,
Je vois qu’il a toujours abusé ma foiblesse.
Ce trait de lumiere est affreux.
Ah ! grand Dieu ! que j’étois cruellement séduite !
J’en mourrai de douleur.

Rosette.

J’en mourrai de douleur.Mais il pourroit un jour…