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Léonore a toujours une mélancolie
Qui lui fait bien du tort. L’amour suit la folie.
On veut qu’une Maîtresse ait l’air vif, semillant ;
Un peu moins de bon sens, un peu plus de brillant.

Nérine.

Un fou cherche une folle, & la trouve de reste.
L’état de Léonore est cruel & funeste.
Frontin, toute sa vie, est…

Frontin.

Frontin, toute sa vie, est…Défiez-vous-en ;
L’histoire d’une femme est toujours un roman.

Nérine.

Oui. Le sien commença par un sot mariage.
Ce ne fut point l’amour qui la mit en ménage ;
Et jamais on n’en eut un dépit plus mortel.
Il fallut obéir, & marcher à l’Autel :
Mais, en sortant du temple, un jeune téméraire,
À qui, sans le sçavoir, elle avoit trop sçu plaire,
Furieux de la perdre, attaqua son époux,
L’obligea de se battre, & tomba sous ses coups.
Pour dérober sa tête à l’injuste poursuite
D’un ennemi puissant, cet époux prit la fuite.
Léonore aussi-tôt saisit sa liberté ;
Et s’enfuit en secret dans un Cloître écarté,
Sous ce nom inconnu, qu’elle conserve encore.
Que ne feroit-on pas pour fuir ce qu’on abhorre ?
Sa mere, mais trop tard, en mourut de regret.
Geronte apprit enfin notre asile secret,
Et vint nous apporter…