Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 1.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le moindre cercle usurpe un nom si respectable ;
C’est là qu’un suffisant décide à tout hazard,
Suivant les préjugés, les goûts, & les usages
De tous ces différens & faux Aéropages.
Chaque Société forme un Public à part :
Mais il en est un autre ; & c’est le véritable,
Le moins nombreux de tous, & le plus redoutable,
Qui sçait ce qui lui plaît, qui sçait ce qu’il lui faut,
Qui, tous les jours ici, le déclare assez haut.
N’attendez pas de lui ces louanges frivoles,
Ces ris contagieux, ces éclats indécens ;
Enfans de l’ignorance, ennemis du bon-sens,
Qu’excite tous les jours aux Piéces les plus folles,
Un premier mouvement qui ne se soutient pas.
Sa joie & ses plaisirs ne sont point un délire,
Un accès passager qui n’a qu’un faux appas :
Il ne rougit jamais de ce qui l’a fait rire ;
Ce Public m’appartient, les autres sont à vous.

La Folie.

Bon-Sens, vous radottez. Ils m’appartiennent tous,
De quel droit venez-vous ici me tenir tête ?

Le Bon-Sens.

Ou par droit naturel, ou par droit de conquête.

La Folie.

Vous allez discourir, & m’ennuyer à mort.
Eh, que m’importe, à moi, d’avoir raison, ou tort ?
Ici la préséance entre nous est réglée.

Le Bon-Sens.

Ne vous lassez-vous point de vous y voir sifflée ?