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Hortence.

Que je vive ? Est-ce à moi d’avoir plus de courage ?
Je conviens qu’on vous fait le plus sanglant outrage :
Mais, enfin, ce n’est pas un opprobre éternel.
Tombe-t-il sur vous seul ? M’est-il moins personnel ?
L’amour qui nous unit n’admet point de partage.
Je souffre autant que vous, si ce n’est davantage ;
Et cependant mon cœur n’en est point abattu.
La vérité fera triompher la vertu.
Jusqu’à ce que le tems la mette en évidence,
Ayons la fermeté qui sied à l’innocence :
Elle en est la ressource & le plus sûr garant.
Rétablit-on sa gloire en se désespérant ?
Le découragement autorise une injure.
Il faut vivre pour vaincre ; & la victoire est sûre ;
Et qui perd tout espoir, mérite son malheur.
Je vous parle, sans doute, avec trop de chaleur.
Excusez une amante, ou plutôt une amie.

Monrose.

Qui me condamne à vivre, accablé d’infamie.
Le sort qui me poursuit peut-il aller plus loin ?
Il ne me manque plus que d’être le témoin
Du bonheur d’un rival… Il en est un, Madame.
Ariste jusqu’ici vous a caché sa flamme ;
Jusques dans votre cœur il veut m’assassiner :
Pour être votre époux, il s’est fait destiner.

Hortence.

Ariste, dites-vous ? L’entreprise est hardie.
Il m’aime ? Il payera bien cher sa perfidie.