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ACTE V.



Scène I.

MONROSE, ARAMONT.
Monrose.

Quel état est le mien ! Fortune, en est-ce assez ?
À peine suis-je né, mes beaux jours sont passés.
Ai-je pû mériter un sort si déplorable ?
Le seul bien qui me reste, est un bien qui m’accable.
Je ne sçais où tourner mes pas ni mes regards.
Ah ! je sens que mon cœur s’ouvre de toutes parts.
Allons traîner ailleurs mon infortune extrême ;
Je ne puis plus ici me supporter moi-même.

Aramont.

Quel est votre dessein ? Où voulez-vous aller ?

Monrose.

Partout où je pourrai vivre & me signaler.
Dans l’état où je suis on n’a plus de patrie :
J’abandonne la mienne, où, malgré mon envie,
Je ne puis plus m’ouvrir un illustre tombeau.
Un sujet inutile est pour elle un fardeau.
Je vais mourir ailleurs, ou mériter de vivre.

Aramont.

Je frémis du projet ; gardez-vous de le suivre.