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Tout, jusqu’à votre amour… Quand m’est-il annoncé ?
Ah ! que pour mon malheur tout est bien compensé !

Hortence.

Eh ! n’examinons point quel est le plus à plaindre.

Monrose.

Il n’importe ; achevez. Je ne sçaurois plus craindre
Tout ce qui peut servir à me désespérer.
Hortence, il est donc vrai, j’ai pû vous inspirer ?…
Est-ce pour insulter davantage à vos larmes,
Que j’ose demander un aveu plein de charmes,
À qui doit me haïr autant que je me hais !

Hortence.

Pourquoi se reprocher des maux qu’on n’a point faits ?
Voulez-vous que je sois injuste & malheureuse ?
Ah ! c’est trop exiger…

Monrose.

Ah ! c’est trop exiger…Quoi ! toujours généreuse ?
Hortence, hélas ! pourquoi nous avez-vous connus ?
Un bonheur assuré, des plaisirs continus,
La plus haute fortune, un brillant hyménée,
Auroient rempli le cours de votre destinée.
Quel contraste inouï ! Funestes liaisons,
Que le Ciel en courroux mit entre nos maisons !
Vous partez ; vous allez ensevelir vos charmes !
L’exil, l’abaissement, l’infortune, les larmes,
Voilà ce qui vous reste ; & je dois m’imputer
D’avoir aidé le sort à vous persécuter.
J’ai le remords affreux d’en être le complice,
D’être un de vos bourreaux ; jugez de mon supplice.