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Ariste.

Hélas !Qu’est-ce ? On soupçonne un peu votre constance.
Vous ne la voyez plus. D’où vient ce changement ?
Parlez ; auriez-vous pris quelqu’autre engagement ?

Monrose.

Quand la fortune change, & devient si cruelle,
Le cœur d’un malheureux devroit changer comme elle.
Ma constance est du moins un secret ignoré.
Je dévore mes feux, & j’en suis dévoré.

Ariste.

Qui peut vous imposer ce pénible silence ?

Monrose.

La probité l’exige, & l’intérêt d’Hortense :
Tous deux font qu’à ses yeux j’ai cessé de m’offrir.
J’ai craint de l’offenser, j’ai craint de l’attendrir.
Son repos m’est trop cher, pour oser le détruire,
Et je l’estime trop, pour vouloir la séduire.
La distance à présent est trop grande entre nous :
Il faut que son amant puisse être son époux.
Ainsi je dois cesser une vaine poursuite.
Je n’ai plus que les pleurs, le silence, & la fuite.

Ariste.

C’est assez. On me mande ; & je vais à la Cour.
Peut-être vous verrai-je avant la fin du jour.