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Mais l’amitié, du moins comme je l’envisage,
De part & d’autre exige un long apprentissage ;
Et vous devez savoir, à vos propres dépens,
Qu’un ami véritable est l’ouvrage du tems.

Monrose.

On peut me reprocher quelques momens d’ivresse,
Trop de facilité, des erreurs de jeunesse ;
Ma confiance a pû s’égarer quelquefois :
Dans la prospérité peut-on faire un bon choix ?
Et comment démêler l’amitié véritable
D’avec la flatterie alors inévitable ?
La Fortune nous met un bandeau sur les yeux.
Depuis qu’elle a changé la face de ces lieux,
Pouvais-je mieux choisir dans cette circonstance,
Que ceux qui sont venus m’offrir leur assistance ?
Je n’ai retrouvé qu’eux dans mon adversité.
L’ascendant, l’habitude, & la nécessité,
M’ont forcé d’accepter leurs secours salutaires ;
Ils se sont partagé le poids de mes affaires ;
Ils s’en sont emparés. S’ils ne sont pas heureux,
Que voulez-vous ? Du moins, je ne crains, avec eux,
Aucune ingratitude, aucune fourberie.

Ariste.

Mais ne craignez-vous rien de leur étourderie ?…
Pardonnez ; je m’échappe ici mal-à-propos.
C’est, je crois, vous en dire assez en peu de mots.
Du reste est-il permis de vous parler d’Hortense ?

Monrose.

Hélas !