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Monrose.

Ceux que je viens de voir ne m’ont que trop instruit.
Un autre est désigné. Ce n’est point un faux bruit.
Ma plus grande infortune en cette conjoncture,
Vient d’avoir devancé ma fortune future.
Comptant sur l’avenir, que j’ai trop espéré,
J’en avois pris l’état : je me suis obéré.

Dornane.

Parbleu, qui ne l’est pas, sur-tout parmi nous autres ?
Messieurs tes créanciers feront comme les nôtres ;
Ils prendront patience. Ils sont faits pour cela.
Ne va pas, en payant, nous gâter ces gens-là.

Aramont.

D’autant plus qu’ils ont fait avec vous leurs affaires.

Dornane.

Ils t’auront rançonné : ce sont tous des Corsaires.

Monrose.

Quand tout cela seroit, j’en ai subi la loi.
L’on ne me verra point réclamer contre moi.

Dornane.

Ah ! si tu veux payer, il faut te laisser faire.
Mais cela ne conduit à rien ; tout au contraire.
Ou tu veux t’acquitter par un nouvel emprunt,
Ou tu comptes beaucoup sur les biens du défunt ?

Monrose.

Point du tout, je vous jure : & j’ai tout lieu de croire
Que mon oncle, après lui, ne laisse que sa gloire.
Il ne fut jamais riche ; & tout ce que l’on dit
Ne sera qu’un faux bruit, qu’on répand à crédit.