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Ce qu’on fait du portrait d’une femme qu’on aime ?

Hortence.

Qui ? lui ! m’aimer encore ! Ah ! quelle erreur extrême !
Hélas ! son infortune, ou quelqu’autre sujet,
M’ont ôté son amour : je n’en suis plus l’objet.
Tu vois, depuis un tems, comme il fuit ma présence.
Lui-même il a déjà commencé notre absence.
Nous sommes en exil dans la même maison.

Clorine.

Si vous ne l’aimiez pas, il peut avoir raison.

Hortence.

Si je ne l’aime pas… Étois-je la maîtresse ?
Ne m’a-t-on pas livrée à toute ma foiblesse,
Aux charmes d’un espoir que le sort a trahi ?
Apprends-moi donc comment j’aurois désobéi.
Qu’on s’en prenne au devoir : c’est lui qui m’a séduite.

Clorine.

Madame, j’en reviens au soupçon qui m’agite.
Monrose, si j’en crois ce que j’ai dans l’esprit,
Aura votre portrait, comme je vous l’ai dit.
La restitution peut en être incertaine,
Madame, il vous convient de vous en mettre en peine.
Enfin, à tout hazard, & sans plus marchander,
Je vous conseillerois de le lui demander.

Hortence.

Qui ? moi ! lorsqu’il me fuit, je chercherois sa vûe !

Clorine.

Vous avez tous les deux besoin d’une entrevue.