Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 1.djvu/313

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous avons des devoirs qui ne sont que pour nous.
Vous pouvez être amans avant que d’être époux,
Et vous livrer sans crainte à votre ardeur extrême :
Mais, que pour notre sexe il n’en est pas de même !
Quand nous prenons trop-tôt un légitime amour,
Il peut nous coûter cher. Par un affreux retour,
Il arrive souvent qu’on nous en fait un crime,
Qu’un trop injuste époux nous ôte son estime ;
Et qu’il seroit alors en droit de nous taxer
D’avoir un cœur, hélas ! trop facile à blesser.

Ariste.

Vous ne m’honorez point de votre confiance,
Madame, je le vois : j’ai quelque expérience.
Pourquoi me craignez-vous ? Ne dissimulez plus.

Hortence.

Ah ! de grace, cessez d’insister là-dessus.

Ariste.

Un intérêt plus tendre, & plus fort qu’on ne pense,
M’oblige à redoubler une si vive instance.
J’espère par la suite obtenir mon pardon.
À quelque chose enfin l’on peut vous être bon ;
Et même auprès de ceux dont vous allez dépendre,
De mon foible crédit je puis assez prétendre…

Hortence.

Un homme tel que vous…

Ariste.

Un homme tel que vous…Ah ! vous y comptez peu,
Si vous ne daignez pas m’accorder votre aveu.