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Ariste.

Vous entrez dans le monde ; & vous allez paroître
Sur ce fameux théâtre, où j’ignore comment
J’ai pû me soutenir jusques à ce moment.
Vous n’êtes pas encore instruit de ses mysteres.
Jusqu’ici vos emplois, vos devoirs militaires,
Vous en ont écarté. La Cour est en tout tems
Une terre inconnue à tous ses habitans.
Après un long séjour, après un long usage,
On s’y retrouve encore à son apprentissage ;
On y marche toujours sur des piéges nouveaux ;
On y vit, entouré d’un peuple de rivaux,
Ou d’amis dangereux. Heureux qui les devine !
On n’y peut s’élever que sur quelque ruine ;
On n’y peut profiter que des fautes d’autrui.
Tel, au gré de ses vœux, s’y maintient aujourd’hui,
Qui demain ne pourra faire tête à l’orage :
Et l’on finit souvent par y faire naufrage.
Mais d’après ce portrait qu’on ne peut qu’ébaucher,
N’avez-vous en secret rien à vous reprocher ?

Monrose.

Je ne crois pas avoir de reproche à me faire :
Et du moins le succès vous prouve le contraire.

Ariste.

Le succès ! Puissiez-vous n’être point dans l’erreur !
Je voudrois avoir pris une fausse terreur :
Mais je tremble pour vous.

Monrose.

Mais je tremble pour vous.Je vous suis redevable.