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Quand on est tel, crois-moi, l’on s’annonce autrement.
En effet, l’amitié donne un air moins austere.
Un véritable ami n’a d’autre caractere
Que celui qui nous plaît. Il se regle sur nous,
Il adopte nos mœurs ; il se fait à nos goûts ;
Il se métamorphose au gré de nos caprices ;
Il prend nos passions, nos vertus, & nos vices :
C’est un caméléon qui reçoit tour-à-tour…

Ariste, s’avançant.

Ce portrait-là, Monsieur, est celui de l’amour.

Dornane, à part.

C’est Ariste ! Ah, morbleu !

Ariste.

C’est Ariste ! Ah, morbleu !Mon abord vous étonne !

Dornane.

Ah ! Monsieur, qui pouvoit vous croire-là ?

Ariste.

Ah ! Monsieur, qui pouvoit vous croire-là ?Personne.
Si j’ai bien entendu votre entretien…

Dornane, à part.

Si j’ai bien entendu votre entretien…Tant pis.

Ariste.

Les amis de Monrose étoient sur le tapis.
Vous paroissez avoir épuisé la matiere ;
Et Monrose vous doit sa confiance entiere.
Oui, par provision vous nous excluez tous.
Il ne doit plus compter sur d’autres que sur vous.
Vous suffirez à tout ; du moins, je le souhaite.
L’amitié qui se vante est souvent indiscrette.