Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 1.djvu/276

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je joignis à mes maux celui de me contraindre.
Je me suis toujours fait un crime de me plaindre.
C’est la premiere fois, dans l’état où je suis,
Je ne vous aurois pas parlé de mes ennuis ;
Je m’épanche avec vous, je ne dois rien vous taire,
Puisque je vous demande un conseil salutaire.

Je ne prétends point faire un détail superflu,
Ni rappeler ici ce que vous avez vû.
Vous êtes le témoin de ce dernier orage…
Vous vous attendrissez… Est-ce un heureux présage ?
Enfin, est-il bien vrai que Durval ait rendu
Justice à son épouse ? Ai-je bien entendu ?
C’est beaucoup. N’avoit-il rien de plus à me rendre ?
Vous-même n’avez-vous rien de plus à m’apprendre ?
Mais comment puis-je avoir révolté mon époux ?
Un cœur indifférent peut-il être jaloux ?…
Je m’y perds… Cependant je lis dans sa pensée.
Se pardonnera-t-il de m’avoir offensée ?
Je souffre, plus que lui, du juste repentir
Que sans doute à présent il en doit ressentir.
Je crains (s’il ne m’estime autant que je l’adore)
Que sa confusion ne l’aliéne encore ;
Que sa honte offensante & cruelle pour moi,
Ne l’empêche à jamais de me rendre sa foi.
Ah ! peut-être j’étais dans cette conjoncture ;
Ce qui m’est revenu flattoit ma conjecture.
Je le désire trop pour ne pas l’espérer…
Vous ne me dites mot ?… Que dois-je en augurer ?