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Allons… il faut aller… puisque tout me seconde.
Mais je ne songe pas qu’il peut entrer du monde.
Je suis trop obsédé… ne pourrai-je jamais
Disposer d’un moment au gré de mes souhaits ?…
Quel contretems s’oppose à ce que je desire !…
Oui ; car pour expliquer ce qui me reste à dire,
Il me faut… Je n’aurai qu’un entretien en l’air…
Irai-je commencer, & fuir comme un éclair ?
Je ne puis m’enfermer sans que l’on en raisonne…
Que faire… Aussi, d’où vient que Damon m’abandonne ?…
Je ne puis le risquer… Il faut y renoncer…
Il me vient dans l’esprit… Oui, c’est bien mieux penser.
Assurément… sans doute… Aussi-bien sa présence…
Ses charmes… ses regards, dont je sçais la puissance…
Mes remords… mon amour, dans ce terrible instant,
Causeroient dans mes sens un désordre trop grand.
Ah ! qu’il est malaisé, quand l’amour est extrême,
De parler aussi-bien qu’on pense à ce qu’on aime !…
(à Henri.)
Approche cette table… Un fauteuil… Est-ce fait ?…
Ai-je là ce qu’il faut ?… Une lettre, en effet,
Préparera bien mieux ma premiere visite.
Le plus fort sera fait ; le reste ira de suite.

(Il se met à écrire.)
Henri.

C’est affaire de cœur. Parbleu, depuis long-tems,
Le patron reprenoit haleine à mes dépens…