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Au dernier des humains tu tiendrois ta parole ;
Il sçauroit t’y forcer, aussi-bien que les loix.
(Tendrement.)
Mais une femme n’a pour soutenir ses droits,
Que sa fidélité, sa foiblesse & ses larmes ;
Un époux ne craint point de si fragiles armes.
Ah ! peut-on faire ainsi, sans le moindre remord,
Un abus si cruel de la loi du plus fort ?

Durval.

Je suis désespéré ; mais je céde à l’usage.
Suis-je le seul ?… Tu sçais que l’homme le plus sage
Doit s’en rendre l’esclave.

Damon, vivement.

Doit s’en rendre l’esclave.Oui, lorsqu’il ne s’agit
Que d’un goût passager, d’un meuble ou d’un habit :
Mais la vertu n’est point sujette à ses caprices ;
La mode n’a point droit de nous donner des vices,
Ou de légitimer le crime au fond des cœurs.
Il suffit qu’un usage intéresse les mœurs,
Pour qu’on ne doive plus en être la victime ;
L’exemple ne peut pas autoriser un crime.
Faisons ce qu’on doit faire, & non pas ce qu’on fait.

Durval.

Mais enfin je me sens assez fort en effet,
Pour sacrifier tout, sans que je le regrette,
Pour aller vivre ensemble au fond d’une retraite.

Damon.

Mais voilà le parti d’un vrai désespéré.

Durval.

Et c’est pourtant le seul que j’aurois préféré.