Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 1.djvu/197

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Pour pouvoir sans éclat renouer notre chaîne ;
Mais pour les malheureux la prévoyance est vaine.
Ma maison est ouverte à tous les survenans,
Mon rang m’attire ici mille respects gênans…
Clitandre avec Damis, sans que je les en prie,
Ne se sont-ils pas mis aussi de la partie ?
Tu les connois, ce sont d’assez mauvais railleurs ;
Alors contre moi seuls ils deviendront meilleurs.
Ainsi des autres ; c’est à quoi je dois m’attendre…
Je ne pourrai jamais soutenir cette esclandre ;
Il faudra tout quitter : j’irai me séquestrer,
Ou, pour mieux dire, ici je viendrai m’enterrer
Avec des campagnards dont tu connois l’espèce,
Sans que dans mon désert un seul ami paroisse.
Et véritablement, quelle société
Que celle d’un mari de sa femme entêté,
Qui n’a des yeux, des soins, des égards que pour elle,
Et que, pour ainsi dire, elle tient en tutelle ?

Damon, froidement.

Tout bien examiné, vous verrez qu’un mari
Ne doit jamais aimer que la femme d’autrui.

Durval.

Tu ris. Suis-je venu pour mettre la réforme ?

Damon ironiquement.

Le serment de s’aimer n’est donc que pour la forme ?
L’intérêt le fait taire ; il ne tient qu’un moment…
(Vivement.)
Dis-moi, trahirois-tu tout autre engagement ?
Oserois-tu produire une excuse aussi folle ?