Page:Œuvres de monsieur Nivelle de La Chaussée, 1762, tome 1.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Il pourra me porter les plus sensibles coups,
Violer tous les jours le serment qui nous lie,
M’ôter impunément le bonheur de ma vie,
Sans qu’il me soit permis de réclamer des droits
Qui devroient être égaux !… mais ils ont fait les loix.
Il faut que je ménage un cruel qui me brave !
Sa femme est sa compagne, & non pas son esclave.
Je vais dire encor plus : tant de tranquillité
Peut vous faire accuser d’insensibilité.

Constance, tendrement.

M’en soupçonneriez-vous ?

Sophie.

M’en soupçonneriez-vous ?Non, je vous rends justice ;
Je sçais que vous souffrez le plus cruel supplice ;
Mais vous autorisez un injuste soupçon.
On peut interpréter d’une étrange façon,
Tous vos soins de paroître heureuse en apparence ;
On les peut imputer à votre indifférence,
Au dépit, au mépris, à la haine, au dégoût,
Que nous donne un ingrat, quand il nous pousse à bout.

Constance.

Ah ! sophie, épargnez du moins votre victime.

Sophie.

On peut aller plus loin.

Constance.

On peut aller plus loin.Non, mon époux m’estime.

Sophie.

Vous vous contentez là d’un bien foible retour ;
L’estime d’un époux doit être de l’amour :