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Constance.

Vous paroissez ému !

Argant.

Vous paraissez ému !Je suis même en colere.
Je sors de chez Sophie ; elle tient de sa mere.
L’entretien que je viens d’avoir à soutenir,
Me fait prévoir celui que vous m’allez tenir ;
Je vais de point en point y répondre d’avance.

Constance.

Quoi ! vous sçavez ?…

Argant.

Quoi ! vous sçavez ?…Ma fille, un peu de complaisance ;
Que je parle d’abord à mon tour.

Constance.

Que je parle d’abord à mon tour.J’obéis.

Argant.

Durval est à peu près ce que je fus jadis ;
Ce tems n’est pas si loin, que je ne m’en souvienne :
Ma jeunesse fut vive encor plus que la sienne.
On me maria donc, & me voilà rangé,
Si bien qu’on me trouva totalement changé :
Et véritablement une union si belle,
Si ma femme eût voulu, devoit être éternelle.
Bien du tems se passa, mais beaucoup, presque un an,
Sans que rien de ma part troublât notre roman ;
Mais auprès d’une femme on a beau se contraindre :
Bon ! naturellement le sexe aime à se plaindre.
Or, comme enfin l’amour se change en amitié…
C’est justement de quoi se fâcha ma moitié.