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Vous me connoissez peu, si vous me soupçonnez
De penser autrement.

Damon.

De penser autrement.Madame, pardonnez…
(à part)
Épouse vertueuse autant qu’infortunée !

Constance.

Si je fais quelques vœux, c’est pour votre hyménée :
Damon, soyez-en sûr ; croyez qu’il m’est bien doux
De servir un ami si cher à mon époux.

Damon.

C’est l’étroite amitié dont votre époux m’honore,
Qui me perd dans l’esprit de celle que j’adore.

Constance.

Quoi ! votre liaison ?…

Damon.

Quoi ! votre liaison ?…M’expose à son courroux.
Tout le monde n’est pas aussi juste que vous.

Constance.

Je ne reconnois point Sophie à ce caprice ;
Vous m’étonnez. D’où vient cette extrême injustice ?
Elle ne vous hait point.

Damon.

Elle ne vous hait point.Inutile bonheur !
Peut-être elle me rend justice au fond du cœur,
Mais j’y vois encor plus de frayeurs & d’allarmes.
Elle outrage à la fois mon amour & ses charmes.
On se trompe, en jugeant trop généralement.
Elle croit que l’hymen est un engagement,
Dont son sexe est toujours l’innocente victime :
Tel est son sentiment, qu’elle croit légitime.