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Léonore.

Oui, je n’en rougis point ; je chéris ma défaite ;
Je perds ma liberté, sans que je la regrette ;
J’ai rencontré l’objet que je devois aimer.
Un mutuel amour a su nous enflammer.
C’est une sympathie invincible, absolue,
Que j’ai d’abord sentie à la premiere vûe.
Si le même rapport n’eût agi dans son cœur,
Jamais je n’aurois pu survivre à ce malheur.

Orphise.

Vous survivrez, Madame, à de plus grandes peines.
La mort de votre époux n’a point brisé vos chaînes :
Il est encore vivant.

Léonore.

Il est encore vivant.Mon époux est vivant !

Orphise.

Oui. C’est ce que Geronte a dit en arrivant.
Il va vous confirmer cette heureuse nouvelle.
Il étoit tems.

Léonore.

Il étoit tems.Il vit, & je suis infidelle !
Grand dieu ! dans quelle horreur me précipitez-vous ?

Orphise.

Est-ce un si grand malheur de revoir un époux ?

Léonore.

Ah ! vous n’ignorez pas quelle est l’antipathie,
Que m’inspira l’époux à qui je suis unie.
L’un & l’autre aux autels nous fûmes entraînés,
L’un à l’autre à regret nous fûmes enchaînés.