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Damon.

Quoi donc ! ce foible espoir peut-il vous offenser ?

Léonore.

Malgré tous ces détours où votre esprit s’efforce,
Ce que vous m’annoncez est toujours un divorce.
Oui, tel que soit le nom dont vous les colorez,
C’est votre épouse enfin que vous deshonorez.
Vous prétendez, Monsieur, me rendre la complice
D’un coupable abandon fondé sur un caprice.
C’est vous qui l’exigez. Peut-elle y consentir ?
Je sens le désespoir qu’elle doit ressentir
D’un si terrible affront. Je me mets à sa place.
Pour elle enfin, Monsieur, je vous demande grace.
Si vous n’aimiez ailleurs… Ah ! n’en espérez rien.
Elle m’accuseroit… Votre cœur est son bien.
Loin de favoriser cette indigne rupture,
Je ne puis profiter de sa triste aventure.

Damon.

N’appelez point divorce un accommodement.
Quand je consens à rompre un faux engagement,
Une chaîne, à tous deux également cruelle,
Ce n’est point un affront ; c’est un bonheur pour elle.
Vous n’avez jamais sçu, vous n’éprouverez point
Que le plus grand malheur est celui d’être joint
Au déplorable objet d’une haine invincible.

Léonore, à part.

Quelle conformité.

Damon.

Quelle conformité.Soyez-y donc sensible.