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Ces soupirs, si long-tems retenus dans mon cœur,
Peuvent enfin paroître aux yeux de mon vainqueur.
Moins je l’offense, & plus je ressens que je l’aime.
Je n’ai plus désormais que sa rigueur extrême…

Nérine.

Votre épouse n’est plus ?

damon, à Léonore.

Votre épouse n’est plus ?Ah ! ce titre si doux
Auroit dû ne jamais appartenir qu’à vous.
Celle qui le portoit n’a point perdu la vie ;
Nous cédons l’un & l’autre à notre antipathie ;
Et ces nœuds que l’hymen avoit désavoués,
Sont d’un commun accord entre nous dénoués.

Léonore.

Quoi ! vous vous séparez ?

Damon.

Quoi ! vous vous séparez ?Une heureuse rupture
Nous dégage tous deux d’une chaîne trop dure.
Nos sermens étoient nuls, ils ont été forcés ;
Notre bouche à regret les avoit prononcés.
Nos cœurs ont réclamé contre la tyrannie
De ceux à qui le ciel nous fit devoir la vie.
La loi me restitue & ma main & mon cœur.
Nous pouvons tous les deux nous choisir un vainqueur.
Hélas ! mon choix est fait ; & vous devez m’entendre.

Léonore.

C’est donc-là ce secret que vous vouliez m’apprendre ?
Et vous croyez, Monsieur, qu’il doit m’intéresser ?