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Nérine.

Vous connoissez Orphise, & sa malignité.

Léonore.

Et pouvois-je m’attendre à cette indignité,
Et qu’on m’imputeroit la derniere bassesse ?
Nérine, quelle horreur ! on me croit la maîtresse
D’un homme marié ?

Nérine.

D’un homme marié ?Ce trait est inouï.
Une prude jamais n’a bien pensé d’autrui.

Léonore.

Que vais-je devenir ? Le bruit va s’en répandre.
Orphise va le dire à qui voudra l’entendre.

Nérine.

Et l’on n’en croira rien.

Léonore.

Et l’on n’en croira rien.Ah ! quelle est ton erreur ?
C’est assez qu’une histoire attaque notre honneur,
Elle passe aussi-tôt pour être véritable.
Tout ce qui peut nous nuire, ou nous perdre, est croyable,
On n’examine rien ; & la crédulité
Va toujours contre nous jusqu’à l’absurdité.

Nérine.

Je ne m’étonne plus si tant d’infortunées
Se plaignent, tous les jours, d’être à tort condamnées.
Je vois bien à présent qu’une femme d’honneur,
Avec son innocence, a besoin de bonheur.