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Osbaldistone, où vous aurez la complaisance de rester jusqu’à nouvel ordre. Tout sera prêt pour votre départ demain au matin. »

À ces mots mon père sortit de l’appartement.

« Que signifie tout cela, monsieur Owen ? » dis-je à mon compatissant ami, dont la figure indiquait le plus profond abattement.

« Vous vous êtes perdu, monsieur Frank, voilà tout ; lorsque votre père prend ce ton calme et déterminé, il ne change pas plus qu’un arrêté de compte. »

Et c’était vrai ; car le lendemain, dès cinq heures, j’étais sur la route d’York, monté sur un assez bon cheval, avec cinquante guinées dans mon gousset, voyageant, selon toute probabilité, pour trouver à mon père un successeur qui devait prendre ma place dans son cœur aussi bien que dans sa maison, et peut-être même m’enlever sa fortune.


CHAPITRE III.

LE COMPAGNON DE VOYAGE.


La voile non tendue se balance de côté et d’autre ; le navire, mal dirigé, reçoit l’eau, et le courant le pousse au hasard ; la rame se brise, et le gouvernail est perdu.
Fables de Gay.


J’ai séparé par des rimes et des vers blancs les divisions de mon important récit, afin de séduire votre courageuse attention par les attraits d’un style plus enchanteur que le mien. Les vers cités ici vous parlent d’un malheureux navigateur qui démarre témérairement une barque, et qui, incapable de la conduire, est entraîné en pleine eau par le courant d’un grand fleuve. Jamais écolier qui, par défi et fanfaronnade, se lança dans cette périlleuse entreprise, emporté qu’il était par les flots rapides, ne sentit mieux que moi l’horreur de sa position, quand je me trouvai flottant, sans boussole, sur l’océan de la vie. Il y avait un calme si singulier dans la manière dont mon père brisait le nœud regardé d’ordinaire comme le plus solide des liens qui unissent les membres de la société, et me laissait partir en proscrit de sa maison, que je commençai à mettre fortement en doute la réalité de mon mérite personnel,