Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/9

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au commencement du dix-huitième siècle, une existence semblable à celle de Robin Hood[1] au moyen âge ; et cela à quarante milles de Glascow, cité riche et commerçante, siège d’une université renommée pour son savoir. Un tel personnage, réunissant les vertus farouches, l’astuce, la licence effrénée d’un Indien de l’Amérique, vivait en Écosse dans le siècle qu’on a comparé à celui d’Auguste, le siècle de la reine Anne et de George Ier. Addison ou Pope n’auraient probablement pas été peu étonnés en apprenant que dans la même île qu’eux habitait un homme tel que Rob-Roy. Du contraste frappant entre la civilisation qui régnait de ce côté-ci des Highlands, et les entreprises hardies, contraires aux lois, exécutées par un homme qui vivait de l’autre côté de cette ligne de démarcation imaginaire ; de ce contraste, dis-je, naît l’intérêt qui s’attache au nom de Rob-Roy : de là vient qu’aujourd’hui,


De loin comme de près, aux vallons, aux montagnes,
Chacun atteste encor ses prodiges fameux.
Comme un feu remue, dans le sein des campagnes,
Le grand nom de Rob-Roy fait pétiller les yeux.


Diverses circonstances favorisèrent singulièrement Rob-Roy dans le rôle qu’il s’était donné.

La plus importante de toutes, c’est la qualité de descendant et d’allié du clan de Mac-Grégor, si fameux par les infortunes et par l’opiniâtreté indomptable avec laquelle il conserva son organisation, en dépit des lois qui poursuivaient avec une rigueur inouïe tous ceux qui portaient ce nom proscrit. Leur histoire est celle de beaucoup de tribus primitives qui furent détruites par des voisins plus puissants, ou extirpées entièrement, ou réduites à acheter leur conservation en renonçant à leur nom de famille pour prendre celui des conquérants. Ce qui distingue l’histoire des Mac-Grégor, c’est l’obstination avec laquelle ils maintinrent leur existence séparée, et leur union comme clan, au milieu des périls les plus pressants. Nous raconterons, dans les pages suivantes, en peu de mots, l’histoire de la tribu ; mais nous devons prévenir le lecteur que ce récit est emprunté, en grande partie, à la tradition : ainsi, quand à l’appui nous ne citons pas de documents écrits, on peut le considérer, jusqu’à un certain point, comme douteux.

  1. Outlaw, célèbre dans l’histoire d’Angleterre. Nous le verrons figurer dans le roman d’Ivanhoe. a. m.