Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/82

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de lui souffler… Mais, que diable ! comment Dubourg l’a-t-il souffert ?… Dites-moi, Owen, est-on content de Clément Dubourg, son neveu, que nous avons ici, ce jeune homme aux cheveux noirs ?

— C’est un des meilleurs commis de la maison, monsieur, un prodigieux jeune homme pour son âge, répondit Owen, car la gaieté et la politesse du jeune Français avaient gagné son cœur.

— Oui, oui, j’imagine qu’il s’entend, lui, à la banque. Dubourg a voulu que j’eusse du moins sous ma main un jeune commis qui comprît les affaires ; mais je vois sa ruse, et il s’apercevra que je l’ai découverte, quand il jettera les yeux sur son livre de caisse. Owen, payez à Clément ce quartier, et dites-lui de s’embarquer pour Bordeaux sur le vaisseau appartenant à son père qui va partir.

— Vous renvoyez Clément Dubourg, monsieur ? dit Owen d’une voix embarrassée.

— Oui, monsieur, et sur-le-champ ; c’est assez d’avoir un stupide Anglais dans nos bureaux pour y faire des sottises, sans y garder un rusé Français pour en profiter. »

J’ai vécu assez long-temps sur le territoire du grand monarque, pour apprendre à détester du fond de mon cœur tout acte arbitraire d’autorité, quand bien même cette aversion ne m’eut pas été inspirée dès ma plus tendre enfance • et je ne pus m’empêcher de prendre parti pour un digne et innocent jeune homme qu’on voulait punir d’avoir acquis les connaissances que mon père regrettait de ne pas trouver chez moi.

« Je vous demande pardon, monsieur, dis-je quand M. Osbaldistone eut cessé de parler ; mais je pense qu’il serait juste, si j’ai négligé mes études, que je payasse moi-même ma faute ; je ne puis accuser M. Dubourg de ne pas m’avoir fourni les occasions de m’instruire, quoique j’en aie peu profité ; et quant à M. Clément…

— Quant à lui et à vous, je prendrai les mesures qui me paraîtront convenables, répliqua mon père. Mais il est bien à vous, Frank, de prendre pour vous tout le blâme… fort bien, il faut l’avouer… Je ne puis pardonner au vieux Dubourg, ajouta-t-il en regardant Owen, de s’être borné à mettre Frank à même de s’instruire, sans s’assurer qu’il en profitât, et surtout sans m’avertir qu’il n’en profitait point. Vous le voyez, Owen, mon fils a les notions naturelles d’équité qui caractérisent tout négociant anglais.