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même. Dès ce moment tout alla mal, les lettres de Dubourg devinrent aussi suspectes que s’il eût laissé protester ses lettres de change ; je fus rappelé à Londres : quant à l’accueil qu’on m’y fit, je vous l’ai déjà raconté.


CHAPITRE II.

LE DÉPART.


Je commence diablement à soupçonner le jeune homme d’un vice terrible… il fait des vers ! S’il est atteint de ce mal de paresse, plus de carrière politique pour lui ; actum est[1] de lui, en tant qu’homme d’État, s’il s’avise encore de rimer.
Ben Johnson.


Mon père, généralement parlant, savait mieux que personne se maîtriser, et rarement manifestait-il son mécontentement par des paroles ; seulement il prenait alors un ton sec et dur. Jamais il n’employait les menaces ni les expressions d’un vif ressentiment ; il portait en tout son esprit de système, et avait coutume d’aller au but sans perdre le temps en vaines discussions. C’était donc avec un sourire sardonique qu’il écoutait mes réponses inexactes sur l’état du commerce en France, et me laissait sans pitié m’enfoncer de plus en plus profondément dans les ténèbres de l’agiotage, des tarifs, de la tare et du poids net. Jusque-là je n’eus pas trop à me plaindre de ma mémoire, car il n’avait pas l’air trop contrarié ; mais quand il me fut impossible d’expliquer au juste l’effet que le discrédit des louis d’or avait produit sur la négociation des lettres de change : « C’est l’événement national le plus remarquable de mon temps, s’écria mon père (il avait pourtant vu la révolution), et il n’en sait pas plus qu’un poteau du quai ! »

« M. Francis, observa Owen d’un ton timide et conciliant, ne peut avoir oublié que, par un arrêt du roi de France, en date du ler mai 1700, il fut ordonné que le porteur, dans les dix jours qui suivraient l’échéance, réclamerait…

— M. Francis, dit mon père en l’interrompant, se rappellera, j’ose dire, sur-le-champ, tout ce que vous aurez la complaisance

  1. C’en est fait. a. m.