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vaient outragée, par respect pour le serment qu’elle avait été contrainte de prêter. Elle fut relevée de ce serment, prêté de force, par les formules de la jurisprudence écossaise, plus équitable, sous ce rapport, que celle d’Angleterre, les poursuites pour crime se faisant toujours aux frais et dépens du roi, sans qu’il en coûte rien aux particuliers lésés. Mais la malheureuse victime ne vécut pas assez pour accuser ceux qui l’avaient si indignement outragée, ni pour témoigner contre eux.

James Mohr Drummond avait quitté Édimbourg dès qu’on eut arraché de ses griffes sa proie à demi morte. Mistress Key ou Wright fut délivrée de l’espèce d’emprisonnement où elle y était retenue, et conduite à Glasgow, sous escorte de M. Winghtman. En traversant la montagne de Shott, son protecteur eut l’imprudence de dire : « Voilà un lieu bien sauvage ; si les Mac-Gregor allaient se précipiter sur nous ? — Dieu nous en garde ! répondit-elle aussitôt, leur vue seule me ferait mourir. » Elle continua de demeurer à Glasgow, sans oser revenir chez elle à Édinbilly. Son prétendu mari essaya différentes fois d’obtenir une entrevue d’elle, mais elle refusa toujours fermement. Elle mourut le 4 octobre 1751. L’information dressée par l’autorité civile porterait à croire que sa mort fut la suite des mauvais traitements qu’elle avait reçus ; mais on dit généralement qu’elle mourut de la petite vérole.

Cependant James Mohr ou Drummond tomba dans les mains de la justice. Il était regardé comme l’instigateur de toute l’affaire : la jeune femme avait même raconté à ses amis que la nuit de son enlèvement, Robin-Oig, touché de ses cris et de ses larmes, avait presque consenti à la relâcher, lorsque James arriva, un pistolet à la main, et, demandant à son frère s’il était assez lâche pour abandonner ainsi une entreprise où il avait tout risqué pour faire sa fortune, le força à persister dans son crime. Le procès de James eut lieu le 13 juillet 1752, et fut conduit avec autant de modération et d’impartialité que possible. Plusieurs témoins, tous de la tribu des Mac-Gregor, jurèrent que le mariage avait été conclu avec toute apparence de consentement de la part de la femme, et trois ou quatre autres témoins, entre autres le shérif-substitut du comté, jurèrent qu’elle eût pu s’échapper si elle l’eut voulu ; le magistrat même ajouta qu’il lui avait offert son assistance. Mais quand on lui demanda pourquoi il n’avait pas, usant de son autorité, arrêté les Mac-Gregor, il ne put que répondre qu’il n’avait pas des forces suffisantes pour l’essayer.