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mariages les plus heureux étaient toujours ceux qui s’étaient ainsi conclus de force. » Enfin elle avoua « que sa propre mère n’avait jamais vu son père avant la nuit où il l’avait enlevée dans le Lennox avec dix têtes de bétail, et qu’il n’y avait jamais eu dans le pays de plus heureux ménage. »

James Drummond et son frère partageaient tout à fait les opinions de la vieille connaissance de l’auteur ; et avisant au moyen de redonner à leur clan les richesses qu’il avait perdues, ils résolurent de faire la fortune de leur frère Robin-Oig en concluant un mariage avantageux entre lui et une Jeanne Key, ou Wright, jeune femme à peine âgée de vingt ans, et que la mort de son mari laissait veuve depuis deux mois. Ses biens pouvaient être évalués à 16 ou 18,000 marcs, et il paraît que ce fut une tentation assez forte pour leur faire entreprendre un si grand crime.

La malheureuse et jeune victime demeurait avec sa mère dans sa maison à Édinbilly, paroisse de Balfron, comté de Stirling. Ce fut dans la nuit du 3 décembre 1750 que les fils de Rob-Roy, et particulièrement James Mohr et Robin-Oig, se précipitèrent contre la maison qui renfermait l’objet de leur attaque, présentèrent fusils, épées et pistolets aux hommes de la famille, et épouvantèrent les femmes en les menaçant de briser les portes si on ne leur livrait pas sur-le-champ Jeanne Key, son frère, disait James Roy, étant un jeune gaillard déterminé à faire fortune. Ayant poursuivi la malheureuse victime de leur infâme entreprise jusqu’au lieu où elle s’était réfugiée, ils l’arrachèrent des bras de sa mère, la placèrent sur un cheval devant un homme de leur bande, et l’entraînèrent malgré ses cris et ses gémissements, qui furent encore entendus long-temps après que les spectateurs, épouvantés de cette violence, eurent perdu de vue la troupe qui se retirait dans l’obscurité. En cherchant à s’échapper, la pauvre jeune femme tomba du cheval sur lequel on l’avait placée, et se blessa au côté. Ils la mirent alors sur le pommeau de la selle, et l’emmenèrent ainsi par les landes et les marais, jusqu’à ce que la douleur qu’elle ressentait de sa chute et l’incommodité de sa position la forçassent à se redresser. Dans le cours de leur cruelle entreprise, ils s’arrêtèrent dans plus d’une maison, mais nul habitant n’osa s’opposer à leur attentat. Au grand nombre des personnes qui les virent, fut le fameux littérateur, le docte professeur feu William Richardson de Glasgow, qui avait coutume de raconter comme un songe terrible leur violente et bruyante entrée dans la