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rent en repos. Mais un outrage atroce, auquel prirent part les fils de Rob-Roy, attira enfin sur toute la tribu la vengeance des lois.

James-Roy était marié et avait quatorze enfants. Mais son frère Robin-Oig, qui était veuf, résolut d’arrondir sa fortune en épousant quelque femme riche des basses terres, dût-il l’enlever de force.

L’imagination des Highlandais à demi civilisés fut moins choquée à l’idée de ce genre nouveau de violence qu’on n’aurait pu s’y attendre d’après la douceur avec laquelle ils traitaient toujours les personnes du sexe le plus faible qui étaient de leur famille. Mais la pensée qu’ils vivaient dans un état de guerre était le mobile habituel de leurs actions, et dans de telles conjonctures, depuis le siège de Troie jusqu’au moment où Prévisa fut prise[1] les femmes furent toujours pour des vainqueurs non civilisés la plus précieuse partie du butin.

Les riches sont tués, les beautés épargnées.

Il n’est pas besoin de se reporter à l’enlèvement des Sabines ou au livre des Juges, pour prouver que de tels actes de violence ont été commis sur une plus vaste échelle. De fait, cette sorte d’entreprise était si commune sur la frontière des hautes terres, qu’elle fait le sujet d’une foule de chansons et de ballades[2]. Les annales de l’Irlande aussi bien que celles d’Écosse montrent que ce crime n’était pas rare dans les pays les plus sauvages de ces deux contrées ; et toute femme qui avait le bonheur de plaire à un homme de courage et de bonne maison, quand il avait quelques amis sûrs et une retraite dans les montagnes, n’avait pas la permission de lui dire Non. Bien plus, il paraîtrait que les femmes elles-mêmes, très-intéressées aux privilèges de leur sexe, avaient coutume, dans les rangs inférieurs, de regarder de tels mariages comme ceux que l’on nomme aujourd’hui « mariages à la mode de la jolie Fanny, ou plutôt à la mode de Donald avec la jolie Fanny. » Il n’y a pas encore bien long-temps qu’une femme respectable, occupant dans la société un certain rang, a reproché chaudement à l’auteur d’avoir pris la liberté de censurer la conduite des Mac-Gregor en semblable occasion. Elle disait « qu’il n’était pas convenable de laisser, en pareil cas, les jeunes filles choisir : que les

  1. Childe Harold, chant II. a. m.
  2. Voyez l’Appendice, note V. a. m.