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conscience, et l’exhorta à mourir en homme comme il avait vécu. En réponse, Rob lui reprocha ses passions violentes et les conseils qu’elle lui avait donnés. « Vous m’avez mis en guerre, dit-il, avec les meilleures gens du pays, et maintenant vous voulez me mettre en guerre avec Dieu. »

Une tradition rapporte, et, d’après ce qui précède, ce fait n’est pas incroyable, qu’à son lit de mort il apprit qu’un de ses plus violents ennemis se proposait de le venir voir : « Levez-moi sur mon lit, dit-il ; jetez-moi mon plaid sur les épaules, apportez-moi ma claymore, ma dague, mes pistolets… Il ne sera point dit qu’un ennemi ait jamais vu Rob-Roy Mac-Gregor sans défense et sans armes. » Cet homme, qui était probablement un des Mac-Larens dont il a été fait mention, et que nous verrons encore, entra, et lui fit ses compliments, s’informant de la santé de son formidable voisin. Rob-Roy, durant cette courte entrevue, observa une politesse froide et fière, et dès que l’étranger fut sorti : « À présent, dit-il, tout est fini… Dites au joueur de flûte de jouer Ha til mi tulidh (nous ne reviendrons plus) ; » et il expira, dit-on, avant que l’air fût achevé.

Cet homme singulier mourut dans son lit et sa propre maison, dans la paroisse de Balquhidder. Il fut enterré dans le cimetière de cette paroisse, où son tombeau n’est remarquable que par une épée qu’y a gravée une main peu habile.

Le caractère de Rob-Roy serait difficile à tracer. Sa sagacité, son audace, sa prudence, qualités si nécessaires pour réussir à la guerre, devinrent chez lui presque des vices par la manière dont il les employa. Toutefois son éducation grossière peut excuser en partie ses transgressions contre les lois. Quant à ses tergiversations politiques, il peut invoquer l’exemple d’hommes bien plus puissants, qui furent moins excusables en devenant le jouet des circonstances, que le pauvre et désespéré proscrit. D’un autre côté, il déploya toujours des vertus d’autant plus méritoires, qu’elles semblent incompatibles avec sa position. Chef d’une bande de pillards, ou, pour employer l’expression moderne, capitaine de bandits, Rob-Roy était modéré dans ses vengeances et humain dans le succès. Sa mémoire n’est entachée d’aucun acte de cruauté ; il ne répandit jamais le sang ailleurs que dans les combats. Ce formidable proscrit était l’ami du pauvre et, autant qu’il le pouvait, le soutien de la veuve et de l’orphelin, sa parole était sacrée : il mourut pleuré dans son sauvage pays, où les cœurs