Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/469

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dant un jour entier ; mais le lendemain le courage manqua à nos chefs, et ils résolurent de se rendre à discrétion. Me livrer à de pareilles conditions, c’eût été porter ma tête sur l’échafaud. Vingt ou trente gentilshommes environ pensèrent, comme moi, qu’il fallait affronter une mort presque certaine plutôt que de nous rendre. Nous montâmes à cheval, et plaçâmes ma fille, qui voulut absolument partager ma destinée, au milieu de notre petite troupe. Mes compagnons, frappés d’admiration pour son courage et sa piété filiale, jurèrent de périr plutôt que de l’abandonner. Nous sortîmes en corps par une rue nommée Fishergate : elle conduit à une plaine marécageuse qui s’étend vers la rivière de Kibble, ou quelqu’un de notre troupe s’engagea à nous indiquer un gué. Ce marais n’avait pas été occupé entièrement par l’ennemi, de sorte que nous ne fîmes d’autre rencontre que celle d’une patrouille de dragons d’Honeywood, que nous dispersâmes et mîmes en pièces. Nous traversâmes la rivière, gagnâmes la grande route de Liverpool, et là nous nous séparâmes pour chercher chacun une retraite. Le destin me conduisit dans le pays de Galles, où je connais plusieurs gentilshommes qui partagent mes principes politiques et religieux. Je ne pus cependant trouver une occasion sûre de m’embarquer, et fus obligé de revenir encore dans le nord. Un ami sûr et éprouvé m’avait donné rendez-vous dans ce voisinage pour me conduire dans un petit port du Solway, où une chaloupe doit m’attendre pour me transporter pour jamais hors de mon pays natal. Comme le château d’Osbaldistone n’était pas habité dans ce moment, et qu’il avait pour gardien le vieux Syddall, qui avait été notre confident dans de semblables occasions, nous nous y réfugiâmes comme dans une retraite sûre et bien connue de ma fille et de moi. Je repris un costume que j’avais porté avec succès pour effrayer les paysans ou les domestiques superstitieux que le hasard pouvait me faire rencontrer ; et nous nous attendions à tout moment à apprendre que l’ami fidèle qui doit nous servir de guide avait tout préparé, quand votre soudaine arrivée nous a mis dans l’obligation de nous confier à votre générosité. »

Ainsi finit le récit de sir Frédéric : je l’avais écouté comme celui d’un rêve. Je pouvais à peine me figurer que c’était bien réellement sa fille que j’avais devant les yeux ; elle avait perdu une partie de ses attraits ; et cette gaieté, cette légèreté de caractère qui lui avait fait supporter tous les coups de l’adversité