Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/462

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fermées, l’herbe qui couvrait les pavés, les cours où régnait le plus profond silence, tout vint me présenter le plus frappant contraste avec les scènes bruyantes et animées dont j’avais été si souvent témoin quand les joyeux chasseurs se préparaient à partir le matin pour s’adonner à leur passe-temps favori, ou revenaient le soir se livrer aux plaisirs de la table. Un éternel et profond silence avait succédé aux aboiements des chiens impatients, aux cris des piqueurs, au bruit des pieds des chevaux, et au gros rire du vieux chevalier à la tête de ses robustes et nombreux descendants.

En contemplant cette scène déserte et muette, je me sentais péniblement affecté par le souvenir de ceux même qui, pendant leur vie, n’avaient aucune part à mon affection. Mais la pensée que tant de jeunes gens d’une belle et robuste constitution, pleins de vie, de santé et d’espérances, étaient successivement, et dans un si court espace de temps, descendus dans la tombe par différents genres de mort violente et inattendue ; cette pensée, dis-je, me brisait le cœur. C’était une bien faible consolation pour moi de rentrer comme propriétaire dans des lieux que j’avais quittés en fugitif. Je n’avais pas été habitué à les considérer comme devant m’appartenir, et je me considérais comme un usurpateur, au moins comme un étranger indiscret, et je pouvais à peine me défendre de l’idée que l’ombre de quelqu’un de mes cousins allait m’apparaître, comme un spectre gigantesque dans certains romans, pour m’en disputer l’entrée.

Pendant que j’étais plongé dans ces tristes pensées, André, qui n’éprouvait rien de pareil, s’évertuait à frapper à coups redoublés à toutes les portes, criant en même temps qu’on ouvrît, d’un ton assez haut pour indiquer qu’il sentait parfaitement la nouvelle importance qu’il avait acquise comme premier écuyer du nouveau seigneur du château. Enfin Antoine Syddall, vieux sommelier et majordome de mon oncle, se présenta timidement à une fenêtre basse, défendue par des barreaux de fer, et nous demanda ce que nous voulions.

« Nous sommes venus vous relever de votre charge, mon vieil ami, dit André Fairservice ; vous pouvez rendre vos clefs aussitôt qu’il vous plaira… Chaque chien a son jour… Je vous débarrasserai du soin de l’argenterie et de l’office… Vous avez eu votre temps, monsieur Syddall, mais chaque fève a son point noir, et tout chemin son bourbier : ainsi vous pourrez prendre