Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/460

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artificieux, il avait espéré y trouver les moyens d’y faire sa fortune. Il est probable que la manière dont il s’est vu forcé, par l’autorité réunie de sir Frédéric Vernon et des chefs écossais, à rendre les billets qu’il avait enlevés à la caisse de mon père, le détermina à s’ouvrir une voie plus rapide vers la fortune en changeant de parti et en trahissant les secrets du sien. Peut-être aussi, car peu d’hommes avaient un jugement plus éclairé que lui lorsqu’il s’agissait de ses propres intérêts ; peut-être, dis-je, réfléchit-il alors que les talents et les ressources des chefs de cette cause, comme, la suite le prouva effectivement, étaient loin d’être à la hauteur des circonstances, et trop au-dessous d’une entreprise aussi importante que celle de renverser un gouvernement établi. Sir Frédéric Vernon, ou, suivant le titre que lui donnaient les jacobites, Son Excellence le comte de Beauchamp, avait eu de la peine à échapper avec sa fille aux suites de la dénonciation que Rashleigh avait portée contre lui. Là se bornaient les renseignements que M. Inglewood me donna ; mais il ne doutait pas, puisqu’on n’avait pas appris que sir Frédéric fut tombé entre les mains du gouvernement, qu’il n’eût trouvé le moyen de passer en France, où, d’après la cruelle convention faite avec son beau-frère, Diana, à cause de son refus de se choisir un époux dans la famille Osbaldistone, devait être enfermée dans un couvent. M. Inglewood ne put m’expliquer très-clairement la cause première de ce singulier arrangement ; mais il croyait avoir entendu dire que c’était un pacte de famille pour assurer à sir Frédéric les débris de ses biens qui, par suite de quelque manœuvre légale, avaient passé dans la famille Osbaldistone : c’était enfin une espèce de traité dans lequel, comme on en vit beaucoup d’autres à cette époque, on avait aussi peu d’égards aux sentiments des parties intéressées que si elles eussent été au nombre des bestiaux attachés aux domaines.

Telle est la bizarrerie du cœur humain, que je ne puis dire si cette nouvelle me fit peine ou plaisir. Il me sembla que la certitude que miss Vernon était éternellement séparée de moi, non par son union avec un autre, mais par sa retraite dans un couvent, augmentait les regrets de l’avoir perdue, au lieu de les adoucir. Je devins triste, distrait, rêveur, incapable en un mot de soutenir plus long-temps la conversation du juge Inglewood qui, à son tour, bâilla, et finit par me proposer de nous séparer de bonne heure. Je lui souhaitai donc le bonsoir et lui fis même