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me soumettrais à toutes ses volontés, quelles qu’elles fussent, il me fit partir pour Osbaldistone afin d’en prendre possession comme héritier légitime et représentant de la famille. Il me recommanda de m’adresser au juge Inglewood pour lui demander le testament de mon oncle qui avait été déposé chez lui, et de prendre toutes les mesures pour m’assurer d’abord la possession, ce qui, suivant les sages, est déjà avoir neuf points sur dix en sa faveur.

Dans tout autre temps, j’aurais été charmé de ce changement de destination. Mais maintenant Osbaldistone ne pouvait me retracer que de pénibles souvenirs. Cependant je réfléchis que ce n’était que dans ses environs que j’avais quelque probabilité d’obtenir des renseignements sur le sort de Diana Vernon. J’avais toute raison de craindre qu’il ne fût bien différent de celui que je lui aurais souhaité ; mais je n’avais pu jusque-là rien apprendre sur un sujet qui m’intéressait si vivement.

C’était en vain que j’avais essayé de gagner la confiance de quelques parents éloignés, qui se trouvaient au nombre des prisonniers de Newgate, par toutes les marques d’intérêt qu’il était en mon pouvoir de leur donner. Un sentiment de fierté que je ne pouvais blâmer, et le soupçon qui s’attachait assez naturellement au whig Frank Osbaldistone, cousin du double traître Rashleigh, fermaient tous les cœurs et toutes les bouches : en échange de mes bons offices je ne recevais que de froids remercîments qu’on ne m’adressait que comme à regret. Le glaive de la loi diminuait aussi graduellement le nombre de ces infortunés, et ceux qui survivaient n’en avaient que plus d’éloignement pour quiconque était en relation avec le gouvernement existant. En voyant leurs compagnons successivement conduits au supplice, ils finissaient par ne plus prendre aucun intérêt au genre humain, et perdaient même tout désir de communication avec lui. Je me rappellerai long-temps ce que l’un d’eux, nommé Ned[1] Shafton, me répondit un jour que je le priais de me dire si je ne pouvais pas lui procurer quelque aliment plus agréable que ceux de la prison : « Monsieur Frank Osbaldistone, me dit-il, je dois supposer que vos intentions sont bonnes à mon égard et je vous en remercie. Mais, de par Dieu ! on ne peut engraisser les hommes comme de la volaille ! Et quand nous voyons tous les jours quelques-uns de nos compagnons traînés au supplice, ne savons-nous pas que le même coup nous atteindra bientôt ! »

  1. Ned, Édouard. a. m.