Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/454

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domestiques et des circonstances qui les avaient amenés d’une manière si subite. Il parlait peu, mais il semblait reconnaissant des soins que je me trouvai à portée de lui rendre. Je ne fus pas témoin de sa première entrevue avec mon père après tant d’années et à une si triste occasion ; mais, autant que j’en pus juger par l’extrême abattement de ce dernier, elle dut être très-pénible. Sir Hildebrand parla de Rashleigh, le seul fils qui lui restât encore, avec beaucoup d’amertume ; il l’accusa de la ruine de sa maison, de la mort de ses frères, et déclara que ni lui ni aucun d’eux ne se seraient plongés dans ses intrigues politiques, si ce n’eût été à l’instigation de ce misérable qui avait été le premier à les abandonner. Il parla une fois ou deux de Diana avec beaucoup d’affection, et un jour que j’étais assis près de son lit il me dit : « Neveu, puisque Thorncliff est mort ainsi que tous les autres, je suis fâché qu’elle ne puisse être à vous. » Cette expression, tous les autres, m’affecta vivement : c’était par ces mots que le baronnet, lorsqu’il se disposait le matin à partir joyeusement pour la chasse, avait coutume de désigner ses enfants en général, tandis qu’il distinguait Thorncliff, son favori, en l’appelant par son nom. Le ton jovial et bruyant avec lequel il s’écriait : « Holà ! appelez Thorncliff ; appelez tous les autres ! » s’offrit à mon souvenir, et me rendit plus sensible encore à l’air morne et abattu avec lequel il venait de prononcer ces mêmes paroles. Il me fit part alors du contenu de son testament, et m’en remit une copie authentique, dont il me dit que l’original était entre les mains de mon ancienne connaissance le juge Inglewood, qui, n’étant craint de personne, et ayant la confiance de tout le monde, comme une espèce de puissance neutre, était devenu le dépositaire de la moitié des testaments faits à cette époque dans le comté de Northumberland.

Les derniers moments de mon oncle furent en grande partie consacrés à l’accomplissement des devoirs que lui prescrivait sa religion, et dans lesquels il fut assisté par le chapelain de l’ambassadeur de Sardaigne, auquel nous procurâmes, non sans peine, la permission de le voir. Je ne pus découvrir par mes propres observations, ni par les réponses des médecins que je questionnai à ce sujet, le nom de la maladie à laquelle succomba sir Hildebrand : il mourut usé par les excès physiques et les peines morales, sans agonie. Je ne saurais mieux rendre ma pensée que par cette expression, il s’éteignit : tel un vaisseau, long-temps agité et