Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/446

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André était un de ces hommes qui profitent avec avidité de tout ce qui peut leur donner une importance même passagère, et qui ne sont pas fâchés d’attirer cette attention qu’on accorde naturellement au porteur d’une mauvaise nouvelle. Il n’avait donc pas cherché à affaiblir l’impression que devait produire son récit, surtout lorsqu’il se trouva en face d’un auditeur tel que le riche négociant de Londres. Il s’appesantit longuement sur les dangers auxquels j’avais échappé, grâce, disait-il, à son adresse, à son expérience et à sa fidélité. Mais qu’étais-je devenu après que mon ange gardien, en la personne de M. André Fairservice, m’avait été enlevé ? c’est ce qui offrait le sujet des plus tristes conjectures, le bailli n’étant bon à rien dans des positions difficiles, à moins que rien, car il ne savait que se donner de l’importance, et André détestait les airs importants. Mais, assurément, au milieu des pistolets et des carabines, des soldats qui faisaient pleuvoir les balles comme la grêle, des poignards et des sabres des montagnards, enfin des eaux profondes de l’Avondow, il y avait de quoi frémir en pensant à ce que pouvait être devenu le pauvre jeune homme.

Ce tableau aurait réduit Owen au désespoir s’il eût été livré à lui-même ; mais la connaissance profonde que mon père avait des hommes lui fit apprécier du premier coup d’œil le caractère d’André et ce qu’il pouvait y avoir de vrai dans son récit. Néanmoins, en le dépouillant de toute l’exagération qu’il y avait mise, il restait encore de quoi alarmer un père, et le mien résolut de partir en personne pour chercher à me faire rendre la liberté par négociation ou par rançon. Il était, en conséquence, resté à travailler fort tard avec Owen, pour mettre à jour sa correspondance, et donner à ce dernier quelques instructions sur des affaires dont il devait être chargé pendant son absence. Ce fut par cette raison que je les trouvai encore debout.

Il était bien tard quand nous nous séparâmes pour nous mettre au lit ; mais j’étais encore trop agité pour pouvoir dormir longtemps. J’étais debout le lendemain matin de bonne heure. André parut à l’ordinaire à mon lever, et, au lieu de la figure d’épouvantail qu’il m’avait offerte à Aberfoïl, il se présenta devant moi dans le costume d’un entrepreneur de funérailles, c’est-à-dire revêtu d’un habit noir fort décent. Ce ne fut qu’après plusieurs questions, que le maraud feignit d’abord de ne pas comprendre, que je découvris qu’il avait cru convenable de se mettre en deuil à