Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/445

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voient et se comprennent, mais on ne peut les raconter. Après un intervalle de tant d’années, le souvenir de cet heureux moment mouille encore mes yeux de larmes : vous vous le représenterez mieux que je ne saurais le décrire.

Quand les premiers transports de notre joie furent calmés, j’appris que mon père était arrivé de Hollande peu de temps après le départ d’Owen pour l’Écosse. Prompt dans ses résolutions et les exécutant avec la même activité, il ne s’était arrêté à Londres que le temps nécessaire pour se procurer les moyens de faire face à tout. Ses ressources étendues, son crédit, et le succès de ses spéculations sur le continent, l’eurent bientôt mis à même de surmonter les embarras qui n’existaient peut-être qu’à cause de son absence, et il partit pour l’Écosse afin d’obtenir justice de Rashleigh, et de mettre ordre en même temps à ses affaires dans ce pays. Son arrivée subite, les immenses ressources qu’il possédait, les relations plus avantageuses que jamais qu’il offrait à ses correspondants ; tout cela fut un coup de foudre pour les Mac-Vittie, qui croyaient le crédit de mon père perdu sans ressource. Mais irrité de la manière dont ils avaient traité son premier commis, son agent de confiance, M. Osbaldistone rejeta toutes leurs excuses, repoussa toutes les avances de réconciliation, solda la balance de leur compte, et leur annonça qu’ils devaient renoncer sans retour à toute relation commerciale, et rayer pour jamais son nom de leur grand livre.

Tandis qu’il jouissait de ce petit triomphe sur de faux amis, mon père était livré aux plus vives inquiétudes sur mon compte, Owen n’avait pas supposé qu’un voyage de cinquante à soixante milles, qui peut être accompli avec tant de facilité et de promptitude en Angleterre, dut être accompagné d’aucun danger ; mais bientôt, par sympathie, il partagea les inquiétudes de mon père, qui connaissait mieux que lui le pays et les désordres qu’y occasionnait le caractère des habitants.

Ses craintes étaient parvenues à leur comble par l’arrivée d’André, qui avait devancé la mienne de quelques heures, et qui leur fit un récit alarmant et exagéré de la situation où il m’avait laissé. Le duc, parmi les troupes duquel il se trouvait en quelque sorte prisonnier, après l’avoir interrogé, non seulement lui avait permis de partir, mais lui avait même donné les moyens de retourner promptement à Glasgow, afin d’annoncer à mes amis la position difficile et dangereuse dans laquelle il me supposait.