Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/444

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ment mieux, en lui glissant dans la main une couple de guinées. Il n’eut pas plus tôt senti qu’il touchait de l’or, qu’il fit deux ou trois bonds en l’air avec l’agilité du chevreuil, jetant un talon d’un côté, un talon de l’autre, d’une manière qui aurait étonné un maître de danse français. Il courut vers les rameurs pour leur montrer son trésor, et une petite gratification qu’ils reçurent eux-mêmes les disposa tout à fait à prendre part à sa joie. Ensuite il poursuivit sa route et je ne le revis plus.

Le bailli et moi montâmes à cheval et prîmes la route de Glasgow. Lorsque nous perdîmes de vue le lac et son magnifique amphithéâtre de montagnes, je ne pus m’empêcher d’exprimer les sentiments d’enthousiasme que les beautés de la nature m’avaient inspirés, quoique je sentisse bien que M. Jarvie n’était pas homme à me comprendre et à les partager dans cette occasion.

« Vous êtes un jeune homme, me dit-il, et un Anglais, ainsi tout cela peut vous paraître très-beau ; mais pour moi, qui suis un homme tout simple et qui connais un peu la différente valeur des terres, je donnerais la plus belle perspective que puissent offrir les montagnes pour voir dans le lointain la plaine de Glasgow. Si j’ai le bonheur d’y arriver, permettez-moi de vous dire, monsieur Francis, que dorénavant les affaires de qui que ce soit ne me feront perdre de vue le clocher de Saint-Mungo. »

Les vœux de ce digne homme furent accomplis ; car, ayant prolongé notre voyage long-temps après le coucher du soleil, nous arrivâmes chez lui cette nuit même, ou plutôt le lendemain matin. Après avoir remis mon digne compagnon de voyage aux soins officieux de l’attentive Mattie, je me rendis chez mistress Fleyter, et remarquai, non sans surprise, qu’à cette heure avancée il y avait encore de la lumière dans la maison. La porte me fut ouverte par M. Fairservice lui-même, qui, en entendant ma voix, jeta un cri de joie, et, sans prononcer un mot, montant rapidement au second, se précipita dans le parloir aux croisées duquel j’avais aperçu de la lumière. Pensant qu’il allait annoncer mon retour à l’inquiet Owen, je le suivis de près : Owen n’était pas seul, une autre personne était dans l’appartement… c’était mon père.

Son premier mouvement fut de conserver la dignité de son calme habituel… « Francis, dit-il, je suis bien aise de vous voir… » le second fut de me serrer étroitement dans ses bras : « Mon fils, mon cher fils ! » Owen prit une de mes mains et la mouilla de ses larmes, en me félicitant de mon retour. De semblables scènes se