Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/439

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lorsqu’il les exprimait en anglais. En effet, le langage de la passion est presque toujours pur et éloquent, et il n’est pas très-rare d’entendre un Écossais, lorsqu’un compatriote vient de l’accabler d’un torrent de reproches amers, lui répondre par manière de sarcasme : « Voilà que vous recourez à votre anglais. «

Quoi qu’il en soit, l’épouse de Mac-Gregor nous invita à prendre part à un repas servi sur l’herbe, et composé des meilleurs mets que les montagnes pussent offrir. Mais la sombre et imperturbable gravité qui rembrunissait le front de notre hôtesse, ainsi que le souvenir ineffaçable de la scène dont nous avions été témoins le jour précédent, suffirent pour bannir toute gaieté : ce fut en vain que le chef s’efforça de la ranimer parmi les convives : un froid pesait sur nos cœurs, comme si chacun de nous eut assisté à une fête funèbre, et nous ne respirâmes librement que lorsque le repas fut terminé.

« Adieu, cousin, « dit-elle à M. Jarvie quand nous nous levâmes pour partir ; « le meilleur souhait qu’Hélène Mac-Gregor puisse former pour un ami, c’est de ne le plus revoir. »

Le bailli s’apprêtait à lui répondre, probablement par quelque lieu commun de morale ; mais la froide et sombre austérité de son visage déconcerta entièrement son importance bourgeoise et magistrale. Il toussa à plusieurs reprises, la salua, et garda le silence. « Quant à vous, jeune homme, dit-elle, j’ai à vous remettre un gage de souvenir de la part d’une personne que jamais…

— Hélène ! » interrompit Mac-Gregor d’une voix sévère, « que veut dire ceci ? Avez-vous oublié que…

— Je n’ai rien oublié de ce dont je dois me souvenir, Mac-Gregor. Ce ne sont pas des mains comme celles-ci, » dit-elle en étendant ses bras longs, nus et nerveux, qui se chargeraient de remettre un gage d’amour, si ce don était autre chose qu’un gage de chagrin et de douleur… Jeune homme, continua-t-elle en me présentant une bague que je reconnus pour être du petit nombre d’ornements que j’avais vu porter par miss Vernon, « ceci vient d’une personne que vous ne devez jamais revoir. Si c’est un gage de malheur, il ne pouvait mieux vous être remis que par les mains d’une femme à laquelle le bonheur est désormais étranger… Les derniers mots de celle qui vous l’envoie furent ceux-ci : Qu’il m’oublie pour toujours !