Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/438

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des cornemuses, dont la discordance naturelle se mêlait au bruit de la cascade, qui l’affaiblissait en partie. Quand nous fûmes arrivés, Hélène Mac-Gregor vint à notre rencontre. Son costume était plus soigné et avait un air plus féminin que la veille, mais ses traits portaient le même caractère d’orgueil, de résolution et d’inflexibilité. Lorsqu’elle accueillit M. Jarvie par un embrassement auquel il était loin de s’attendre, et qu’il n’avait pas même l’air de désirer, je remarquai, à l’agitation de sa perruque et au mouvement convulsif de ses nerfs, qu’il éprouvait à peu près la même sensation qu’un homme qui, se sentant tout à coup pressé entre les pattes d’un ours, ne saurait si l’animal veut le caresser ou l’étouffer.

« Cousin, lui dit-elle, soyez le bienvenu, et vous aussi, jeune étranger ; » ajouta-t-elle en se tournant vers moi pendant que mon compagnon, après avoir fait deux pas en arrière, rajustait sa coiffure. « Excusez la rudesse de l’accueil que je vous ai fait hier, et n’en accusez pas nos cœurs, mais le malheur des temps. Vous êtes arrivés au milieu de nous dans un moment où le sang bouillait dans nos veines et teignait nos mains. » L’air et le ton avec lesquels elle prononça ces paroles étaient ceux d’une princesse environnée de sa cour. Elle n’employait aucune de ces expressions vulgaires que nous reprochons généralement aux Écossais des basses terres ; elle parlait avec un accent provincial assez marqué ; habituée à rendre ses idées dans sa langue natale, le gaélique, qu’elle employait pour les usages journaliers de la vie, elle parlait l’anglais avec grâce et aisance, mais avec un ton déclamatoire qui provenait de ce qu’elle ne l’avait appris que comme on étudie une langue morte : elle en faisait rarement usage. Son mari, qui dans son temps avait fait plus d’un métier, se servait d’un langage moins élevé et moins emphatique ; et cependant, si j’ai réussi à rendre fidèlement ses discours, vous avez pu remarquer que ses expressions devenaient plus pures et plus élégantes quand les sujets qu’il discutait étaient d’une nature importante et dignes d’exciter son intérêt. Il me parut que, ainsi que quelques autres montagnards que j’ai connus, il se servait du dialecte écossais des basses terres pour la conversation plaisante et familière ; mais qu’en traitant des sujets graves et sérieux, ses idées, d’abord arrangées dans sa tête suivant les règles de son idiome maternel, prenaient un caractère de noblesse et d’énergie presque poétique