Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/428

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deviner si le reproche que je m’adressais, et dont il paraissait lui-même sentir la force, ne lui était pas destiné. Il reconnut que je n’avais pensé qu’à moi-même, et se retourna du côté du feu en poussant un profond soupir ; j’en fis autant, et nous restâmes tous deux, pendant quelques minutes, absorbés dans une pénible rêverie. Tout dormait ou du moins semblait dormir dans la hutte, excepté nous.

Mac-Gregor rompit le premier le silence, du ton de quelqu’un qui se décide à aborder un sujet pénible : « Mon cousin Nicol a de bonnes intentions, dit-il, mais quelquefois il manque d’égards pour mon caractère et ma situation particulière ; il oublie ce que j’ai été, ce qu’on m’a forcé de devenir, et surtout les circonstances qui m’ont fait ce que je suis. »

Il s’arrêta, et quoique je sentisse combien la conversation qui paraissait devoir s’engager était d’une nature délicate, je ne pus m’empêcher de lui répondre que je ne doutais pas qu’il n’y eût dans sa situation actuelle bien des choses qui répugnaient à ses sentiments. « J’apprendrais avec une véritable satisfaction, lui dis-je, qu’il y a pour vous quelque chance honorable d’en sortir.

— Vous parlez comme un enfant, » répliqua Mac-Gregor d’un ton sourd qui ressemblait au grondement éloigné du tonnerre ; « oui, comme un enfant qui croit que le vieux chêne noueux peut se redresser aussi facilement que le jeune arbrisseau. Puis-je oublier que j’ai été frappé de proscription, flétri comme un traître ; qu’on a mis ma tête à prix comme celle d’un loup ; que ma famille a été traitée comme la femelle et les petits du renard des montagnes ; que chacun peut la tourmenter, l’insulter, la dégrader, l’avilir ; que jusqu’à mon nom même, que je tiens d’une longue et noble suite d’aïeux guerriers, il m’est défendu de le porter, comme si c’était un talisman pour évoquer le démon ?

Tandis qu’il parlait ainsi, je vis clairement qu’il ne cherchait qu’à exalter son imagination par l’énumération de ses griefs, afin d’exaspérer son ressentiment et justifier à ses propres yeux le genre de vie dans lequel il avait été entraîné. Il y réussit parfaitement. Ses yeux d’un gris clair, contractant et dilatant alternativement leurs prunelles, semblèrent bientôt lancer des flammes, tandis que son pied s’avançait et se reculait avec un mouvement convulsif ; enfin il saisit la garde de son poignard, étendit le bras et se leva brusquement.

« Eh bien ! on verra, » dit-il de ce même ton sourd et à demi