Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/423

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avec un fusil chargé d’une seule balle, et Rob peut percer de son poignard une planche épaisse de deux pouces.

— Tant pis pour eux, cousin, tant pis pour eux, » répondit le négociant de Glasgow d’un ton tranchant ; « et s’ils n’en savent pas davantage, il vaudrait mieux pour eux ne rien savoir du tout. Dites-moi, Rob, comment vous êtes-vous trouvé vous-même de savoir si bien vous servir du fusil, de l’épée et du poignard ? et quel avantage avez vous retiré de votre adresse ? N’étiez-vous pas beaucoup plus heureux quand vous conduisiez devant vous vos troupeaux de bestiaux, et que vous exerciez un métier honnête, que vous ne l’êtes à présent à la tête de vos vauriens de montagnards ? »

Je remarquai que Mac-Gregor, pendant que son parent lui parlait de cette manière, sans doute par un bon motif, s’agitait en tout sens, et que la contraction de ses traits et de ses membres indiquait un homme qui souffre une douleur violente, mais qui est déterminé à ne pas laisser échapper un gémissement. Il me tardait donc de trouver une occasion d’interrompre cette conversation dans laquelle M. Jarvie, quoique assurément animé des meilleures intentions, me paraissait s’y prendre tout à fait à gauche avec le singulier personnage auquel il parlait ; leur dialogue cependant se termina sans que j’eusse besoin de m’en mêler.

« J’ai donc pensé, continua le bailli, que, comme vous êtes trop mal dans les papiers de la justice pour espérer un pardon, et que vous êtes trop vieux pour changer de vie, comme il serait réellement bien dommage d’élever ces deux garçons de belle espérance dans un métier de réprouvé comme le vôtre ; j’avais pensé, dis-je, à les prendre comme apprentis au métier de tisserand, par lequel j’ai commencé moi-même, ainsi que mon père le diacre, quoique, Dieu merci, je ne fasse plus maintenant que le commerce en gros. »

Ici il vit le front de Rob se couvrir de nuages, ce qui le porta probablement à ajouter comme palliatif ce qu’il avait réservé pour couronner sa générosité, dans le cas où sa première proposition eût été acceptée avec plaisir ; « Eh ! Robin, mon garçon, il ne faut pas prendre un air si sombre ; car je paierai tous les frais d’apprentissage, et je ne vous demanderai jamais un sou des mille marcs que vous me devez.

Ceade millia diaoul ! cent mille diables ! » s’écria Rob en se levant et se mettant à parcourir la chambre à grands pas ; mes fils