Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/412

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croire ; et sans me donner le temps d’examiner de trop près mes motifs, je repris le sentier que je suivais lorsque cette étrange et subite apparition avait arrêté ma marche.

Poursuivre mon chemin par la seule route qui me soit ouverte, ce n’est pas désobéir aux ordres qu’elle vient de me donner d’une manière si touchante, me disais-je à moi-même. Quoique j’aie recouvré les papiers de mon père, c’est toujours un devoir pour moi de voir mon ami, M. Jarvie, délivré de la situation dangereuse où il s’est mis pour m’être utile ; d’ailleurs, dans quel autre lieu puis-je espérer de trouver un gîte pour la nuit, si ce n’est dans la petite auberge d’Aberfoïl ? Eux aussi doivent s’y arrêter, puisqu’il est impossible à des voyageurs à cheval d’aller plus loin. Eh bien donc ! nous nous reverrons encore une fois, ce sera la dernière peut-être ; mais du moins je la verrai, je l’entendrai encore, je saurai quel est l’heureux mortel qui exerce sur elle l’autorité d’un mari ; j’apprendrai si dans les projets difficiles qu’elle semble suivre, il existe un obstacle que mes efforts puissent écarter, s’il n’est rien que je puisse faire pour lui prouver la reconnaissance que m’inspirent sa générosité et son amitié désintéressée.

En raisonnant ainsi par moi-même je cherchais à colorer par les prétextes les plus plausibles que mon imagination pût trouver, mon vif désir de revoir ma cousine et de lui parler encore une fois, quand je me sentis tout à coup frapper sur l’épaule par un montagnard qui marchait encore plus vite que moi, quoique mon pas fût assez rapide. Il m’accosta par ces paroles :… « Voilà une belle nuit, monsieur Osbaldistone…. Ce n’est pas la première fois que nous nous rencontrons pendant l’obscurité. »

Je reconnus sur-le-champ la voix de Mac-Gregor ; il avait échappé à la poursuite de ses ennemis, et allait rejoindre ses déserts et ses partisans. Il avait aussi trouvé le moyen de se procurer des armes, sans doute chez quelque ami secret, car il avait le fusil sur l’épaule, et à son côté les armes ordinaires aux montagnards. Si mon esprit eut été dans sa situation ordinaire, peut-être ne m’aurait-il pas été agréable de me trouver seul, à une heure aussi avancée de la nuit, avec un tel personnage ; car quoique je n’eusse eu avec Rob-Roy que des relations amicales, j’avouerai franchement que je ne l’avais jamais entendu parler sans éprouver une espèce de frémissement. Les intonations des montagnards donnent à leur voix un son sépulcral et sourd qu’il faut attribuer au grand nombre d’expressions gutturales qui existent