Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/409

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tions faites par un inconnu. Je vous en ai dit assez pour vous convaincre que vous allez dans un pays où vous pouvez courir des dangers. S’il vous plaît de continuer votre route, ce sont vos affaires ; mais je ne vous fais pas de questions sur votre nom et sur le but de votre voyage, et vous me ferez plaisir en ne m’en adressant aucune.

— Monsieur Francis Osbaldistone ne devrait pas siffler ses airs favoris, quand il veut ne pas être reconnu, » dit l’autre cavalier, d’une voix qui fit tressaillir tous mes nerfs.

Et Diana Vernon, car c’était elle, enveloppée d’un grand manteau de cavalier, se mit à siffler avec une imitation enjouée la seconde partie de l’air que leur approche avait interrompu.

« Grand Dieu ! » m’écriai-je frappé d’étonnement, « est-il possible que ce soit vous, miss Vernon, dans un tel lieu, à une telle heure, dans un pays aussi livré à la violence, et dans un…

— Et dans un costume aussi masculin, alliez-vous dire ? Mais que voulez-vous : après tout, la philosophie de l’excellent caporal Nym[1] est la meilleure : Laissons aller les choses comme elles peuvent : pauca verba. »

Pendant qu’elle parlait, je saisis avec empressement un moment où la lune jetait une clarté plus vive pour examiner l’extérieur de son compagnon : car on supposera facilement que la rencontre que je faisais de miss Vernon dans un endroit aussi solitaire, et poursuivant un voyage si dangereux sous la protection d’un homme seul, était une circonstance faite pour exciter en moi autant de jalousie que de surprise. Le cavalier n’avait pas l’organe mélodieux de Rashleigh ; sa voix était plus forte et plus impérieuse ; il me parut aussi plus grand, quoiqu’il fût à cheval, que cet objet de ma haine et de mes soupçons. Il ne ressemblait non plus à aucun de mes autres cousins ; car son ton et ses manières avaient ce je ne sais quoi d’indéfinissable qui, dès le premier mot, fait reconnaître un homme d’un esprit et d’une éducation distingués.

Celui qui était l’objet de cet examen sembla vouloir s’y soustraire.

« Diana, » dit-il d’un air où la tendresse se mêlait à l’autorité, « donnez à votre cousin ce qui lui appartient, et ne nous arrêtons pas plus long-temps. »

  1. Personnage du drame de Henri V, de Shakspeare. a. m.