Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/408

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rayons, qui semblaient entièrement absorbés par cette masse blanchâtre de vapeurs dans les endroits où elle avait le plus d’épaisseur et de densité, donnaient aux nuages légers et vaporeux qui s’en détachaient çà et là une sorte de brillant reflet qui les faisait ressembler à un voile de la gaze d’argent la plus transparente. En dépit de l’incertitude de ma situation, un spectacle si pittoresque, joint à l’influence active et fortifiante d’un air vif et glacé, rendit de la vigueur à mes nerfs et de la gaieté à mon esprit. Je me sentis disposé à chasser les soucis et à défier le danger, et, sans y penser, je me mis à siffler, comme pour accompagner la cadence de mon pas, que le froid, qui me gagnait, m’avait fait accélérer. Je sentais toutes mes artères battre avec plus d’énergie et mon sang circuler avec plus de chaleur, à mesure que je prenais confiance dans ma force, dans mon courage et dans mes ressources. J’étais si absorbé dans ces pensées et dans les sensations qu’elles excitaient, que je n’entendis pas deux cavaliers venir derrière moi, et ne m’aperçus de leur présence que lorsqu’ils furent tous deux à mes côtés. Alors celui qui était à ma gauche, arrêtant son cheval, m’adressa ces paroles en anglais,

« Eh ! l’ami, où allez-vous si tard ?

— Chercher un souper et un lit à Aberfoïl.

— Les passages sont-ils libres ? » me demanda-t-il d’un ton d’autorité.

« Je l’ignore ; je le saurai quand je serai arrivé. » Mais le sort de Morris se représentant à mon imagination, j’ajoutai : « Si vous êtes Anglais, je vous conseille de retourner en arrière jusqu’à ce que le jour vous permette de continuer votre route ; il y a eu des troubles dans ce voisinage, et je n’oserais assurer que des étrangers y fussent en sûreté.

— Les soldats n’ont-ils pas eu le dessous ?

— Oui, en vérité, et un détachement commandé par un officier a été détruit ou fait prisonnier.

— Êtes-vous bien sûr de ce que vous dites ?

— Aussi sûr que je le suis de vous entendre parler ; j’ai été involontairement témoin du combat.

— Involontairement ! N’y avez-vous donc pris aucune part ?

— Non. J’étais retenu par l’officier qui commandait les troupes du roi.

— Sur quel soupçon ? Qui êtes-vous, et quel est votre nom ?

— Je ne sais, monsieur, pourquoi je répondrais à tant de ques-