Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/407

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côté, en restant sur cette rive, je n’avais d’autre perspective que de terminer les fatigues de cette journée et de la nuit précédente en passant à la belle étoile celle qui se préparait, après avoir regagné les montagnes.

Après un moment de réflexion, je pensai que Fairservice, qui, suivant sa louable coutume de s’occuper de sa sûreté avant celle des autres, avait sans doute traversé la rivière, ne manquerait pas de donner pleine satisfaction au duc ou à toute autre autorité compétente sur mon rang et ma situation dans le monde ; qu’en conséquence, ma réputation n’exigeait pas que je parusse sur-le-champ, au risque de me noyer dans le Forth ou de ne pouvoir retrouver l’escadron si je le traversais sans accident, ou enfin d’être massacré sans examen par quelque traînard, qui trouverait dans cet exploit une excuse commode pour ne pas avoir rejoint plus tôt ses rangs. Je n’avais plus rien à craindre pour Rob-Roy ; il était alors en liberté ; et j’étais certain, s’il m’arrivait de rencontrer quelqu’un de ses gens, de m’assurer de leur protection en leur apprenant cette nouvelle. Je ne pouvais non plus abandonner M. Jarvie dans la situation difficile où il se trouvait en grande partie à cause de moi. Enfin ce n’était que par Rob-Roy, que je pouvais espérer d’avoir des nouvelles de Rashleigh et des papiers de mon père ; motif qui m’avait seul déterminé à une expédition que tant de dangers venaient traverser. J’abandonnai donc toute pensée de traverser le Forth, et, me retournant du côté du gué des Frew, je pris seul le chemin du petit village d’Aberfoïl.

Un vent froid et piquant, qui se faisait entendre et sentir de temps en temps, avait chassé le brouillard, qui, autrement, aurait enveloppé la vallée jusqu’au matin ; et quoique ces nuages de vapeurs n’eussent pas été entièrement dissipés, ils s’étaient formés en masses confuses et changeantes, qui tantôt s’étendaient sur le sommet des montagnes, tantôt, telles que de volumineuses colonnes d’une épaisse fumée, s’engouffraient dans les profondeurs des rochers, laissées vides par l’écroulement des masses calcaires, dont les fragments, entraînés vers la vallée, ont creusé dans leur passage des ravins profonds et déchirés, semblables au lit desséché d’un torrent. La lune se montrait alors tout entière sur l’horizon, et brillait de toute la vivacité qu’elle a dans les nuits de gelée ; elle jetait une lueur argentée sur les sinuosités de la rivière, ainsi que sur les pointes de rochers et les cimes de montagnes que le brouillard ne cachait pas, tandis que ses