Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/401

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— Votre aïeul n’eût jamais parlé ainsi, milord, répondit le major Galbraith ; et, sauf votre respect, Votre Grâce n’aurait pas occasion de le faire si vous consentiez avant tout à rendre justice à ceux qui y ont des droits les premiers[1] ; que chacun rentre dans ses biens, que chaque tête porte le bonnet qui lui appartient, et le comté de Lennox verra renaître la tranquillité, aussi bien que le reste du pays.

— Paix, Galbraith ! paix ! il est dangereux pour vous de tenir un pareil langage à personne, et surtout à moi ; mais vous vous croyez apparemment un personnage privilégié. Dirigez votre détachement vers Gartartan. J’escorterai moi-même le prisonnier à Duchray, et demain je vous enverrai des ordres : vous voudrez bien n’accorder de permission d’absence à aucun homme de la troupe.

— Toujours des ordres et des contr’ordres, » murmura Garschattachin entre ses dents ; « mais patience, patience ! on pourra bien quelque jour jouer à : Changez de place, le roi revient[2]. »

Les deux troupes de cavalerie se formèrent alors, et se préparèrent à évacuer le poste, afin de profiter d’un reste de jour pour se rendre à leurs quartiers. Je reçus un ordre plutôt qu’une invitation de suivre la troupe, et je m’aperçus que, quoique je ne fusse pas prisonnier, on paraissait me regarder avec un œil de soupçon. À la vérité, on était alors environné de dangers : le pays était divisé entre les jacobites et les hanovriens ; des querelles continuelles et des jalousies existaient entre les montagnards et les habitants des basses terres ; enfin, un grand nombre de causes inexplicables de haine divisaient les familles les plus marquantes de l’Écosse. Toutes ces causes répandaient dans les esprits une méfiance si générale, que l’étranger isolé et sans protection ne pouvait manquer de se trouver exposé au soupçon, et de rencontrer quelque aventure désagréable dans le cours de ses voyages. Je me soumis à mon sort de la meilleure grâce que je pus, me consolant par l’espérance que je pourrais peut-être obtenir du prisonnier quelques renseignements sur Rashleigh et ses intrigues. Je me dois la justice d’ajouter que mes vues n’étaient pas purement personnelles, et que je prenais trop d’intérêt au sort de ma singulière connaissance pour ne pas désirer lui rendre tous les services que sa malheureuse position me permettrait de lui donner.

  1. At the wellhead, jusqu’à la source. a. m.
  2. Refrain d’une chanson jacobite. a. m.